jeudi 12 janvier 2012

La Névrose Traumatique Capillaire

Beaucoup de corps de métier sont présents dans la base Antarctique de Dumont d'Urville.
Les coiffeurs ne sont pas du voyage donc il faut trouver la personne la plus douée de la base. Pour ma part, après avoir observé quelques coupes, et beaucoup de tergiversations, j'ai choisi Mireille. Plus habituée à couper des brins d'ADN de manchot pour ses recherches, je lui suis reconnaissante de m'avoir fait une coupe tout à fait honorable (ce n'est pas la photo !).

J'ai toujours beaucoup d'appréhension quand un instrument tranchant s'approche de mes cheveux. J'ai subi dans le passé quelques drames. 
On pourrait dire que je suis atteint de « névrose traumatique capillaire », une variété d'une réelle pathologique psychiatrique la « Névrose Traumatique* ».

Le premier traumatisme date de l'enfance alors que j'habitais aux Antilles. Un professeur de 6ème m'a dit devant toute la classe que mon coiffeur martiniquais devait être raciste. Je n'avais pas osé dire que c'était ma mère qui m'avait coupé les cheveux.
Une autre fois dans un petit village de Provence, j'avais fait une halte dans un charmant salon qui datait des années 30 : la devanture, le mobilier, et il faut bien le dire le coiffeur lui-même. Il était manifestement parkinsonien**, mais il maniait encore habilement ses ciseaux. L'attaque de panique est arrivée quand il a sorti son coupe-choux alors que je venais juste de remarquer les multiples pansements sur son visage, séquelles d'un rasage laborieux.
Mon dernier traumatisme date de la Guyane dans le petit village de Maripasoula. « Le salon » était chez un particulier. Plus habitué aux cheveux crépus, je le sentais un peu décontenancé, surtout au moment où je tentais avec mes 3 mots d'Aluku (la langue locale) d'exprimer mes dernières volontés. Je me suis enfui en état de choc au bout de 5 minutes en constatant que je n'avais pas, mais pas du tout, trouvé les mots justes pour le « légèrement dégradé sur le coté » et le « désépaissir dessus ».
Le résultat comme vous pouvez le constater sur la photo est proche de l'aspect des tous jeunes manchots Adélie qui perdent en dernier leur duvet sur la tête. Ça leur fait des coupes assez rigolotes. À l'époque, je n'avais pas cette référence pour relativiser. J'avais plutôt honte et j'ai porté une casquette, même pendant mes consultations, durant quinze jours !

Pendant l'hivernage, j'ai tenté de guérir de ces traumatismes en laissant aller ma créativité : Barbe courte, puis très longue, bouc, moustache (si, si ! mais pas longtemps…) boule à zéro et une autre coupe innommable et indescriptible dont je vous épargnerais les photos. C'est l'un des rares endroit où l'on peut se permettre ces
fantaisies sans craindre de se faire virer !

**La maladie de Parkinson est une maladie comportant des tremblements de repos et une lenteur dans les mouvements et une hypertonie.
*La "Névrose traumatique" est, elle, provoquée par de réels traumatismes psychologiques et source d'une véritable souffrance.

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