lundi 19 décembre 2011

Des avions tout-terrain

J’ai retrouvé en Antarctique un avion que j’avais souvent emprunté en Guyane. Il s’agit du Twin Otter, ce petit avion d’une grande fiabilité que l’on retrouve dans les endroits les plus reculés du globe depuis plus de 40 ans.

La raison est qu’il est très rustique et polyvalent. C’est un avion à décollage court qu’on équipe aussi bien de roues, que de patins, ou même de flotteurs. En 5 minutes, vous transformez aussi cet avion de 18 places, en un avion de fret en repliant les sièges le long des parois. Enfin, il y a des boulons et rivets tous les centimètres. Bref, c’est du solide !

Il s’est récemment posé sur la banquise à coté de l’Astrolabe, notre bateau ravitailleur bloqué dans les glaces depuis 1 mois, pour apporter des vivres et ramener les personnels tant attendus sur la base. C’était une première. La piste avait été balisée avec des sacs-poubelles orange et l’avion s’est posé cahin-caha après plusieurs survols, sur une banquise très accidentée. Aussitôt en sortant de la carlingue les pilotes ont rassuré les futurs passagers: « don’t worry, we are professionnal »* .

En Antarctique, il faut bien comprendre que les avions ne sont présents qu’en été, car les conditions climatiques rudes, et la nuit polaire ne permet aucun vol de mars à septembre. Devinez d’où viennent ces avions qui volent autour en Antarctique ? Très étonnamment, de l’Arctique !

Étant donné que dans le Nord canadien les avions ne peuvent pas voler en hiver pour les mêmes raisons et que les saisons sont inversées entre les deux pôles, une société rentabilise intelligemment ses pilotes et ses Twin-Otter en les transférant du Nord au Sud au cours d’un voyage peu banal.

En plusieurs étapes, une petite escadrille de 3 Twins traverse le continent américain dans toute sa longueur en passant par les Antilles, puis en longeant la cordillère des Andes jusqu’à une dernière escale au Chili à Punta Arenas. Puis, c’est la traversée dangereuse entre le Cap Horn et une base de la péninsule Antarctique où l'on  remplace  les roues par des patins. Finalement, ils traversent ensuite notre 6ième continent en faisant une halte à la station du  pôle Sud, pour rejoindre les stations proche de la Mer de Ross qu’ils vont desservir pendant  4 mois : Mac Murdo, Terre Nova, Dumont d’Urville  et Concordia.

 

Entre ces deux dernières  bases, il existe une des  stations-service les plus paumées de la planète. Une fois posé au lieu-dit « D85 », le pilote n’a plus qu’à glisser sa carte Bleue dans le distributeur, taper son code  et attendre la voix métallique qui annonce « vous pouvez vous servir vous en Kérosène sans plomb 95 à la pompe numéro un »… Je plaisante évidemment. Il ne s’agit que de quelques fûts et d'un tuyau dans un simple conteneur au milieu du désert de glace. Pas même un cahier pour écrire difficilement avec ses moufles « Tango Alpha 61 a pris 300 litres de kéro le 12 décembre ».

En Guyane, le Twin-Otter assure la liaison quotidienne entre Cayenne et Maripasoula. On le retrouve également sur certaines lignes intérieures du Surinam, le pays frontalier. Ainsi, à une heure de pirogue de Maripasoula, sur la petite piste en herbe et cahoteuse de Lawa-Tabiki se bousculent tous types d’avions à décollage court en partance et en provenance de la ville de Paramaribo. Cette destination est très prisée par les noirs marrons et même les amérindiens car ils ont coutume d’aller faire des achats dans la capitale du Surinam bien mieux achalandée et bien meilleur  marché que Cayenne, la ville endormie.

La sécurité est très limite : pas de contrôle aérien, pas de tour de contrôle, pas de copilote, et la navigation s’effectue à vue à travers les averses tropicales. Pendant mon séjour, deux crashs aériens avaient eu lieu avec des Antonov An-14. Sept personnes d’une même famille du village Antecume Pata avaient disparu, marquant profondément  la communauté amérindienne.

Les vols sont pittoresques. Je me rappelle avoir entendu des poules glousser quelque part dans l’avion avant le décollage. En vol, le bruit assourdissant du moteur couvrait largement leurs bruits et rendait même les conversations difficiles. De toute façon, mon voisin de gauche était un petit réfrigérateur.

L’embarquement à Paramaribo était aussi très cocasse. Après avoir acheté notre billet forfaitaire de 100 kilos, nous devions monter sur le plateau d’une grande  balance avec tous nos bagages ou nos sacs de course. Un homme avec la complicité de la compagnie rachetait alors les kilogrammes que vous n’aviez pas « utilisés » pour les revendre aux enchères dans une ambiance  bien moins policée qu’une salle de vente Parisienne. Pour tout vous dire, c’était une véritable foire d’empoigne !
*« Ne vous inquiétez pas, nous sommes des professionnels »

Merci à Jean-Benoît pour la photo du Twin Otter se posant à côté de l’Astrolabe et à Sylvain pour la photo de « D85 » (Kilomètre 85 sur la piste du Raid motorisé vers Concordia).

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