mercredi 7 décembre 2011

Prédateurs tachetés


Un séjour en antarctique n'est pas sans danger, vous l'imaginez bien.

Les risques qui prédominent dans ces paysages inhospitaliers sontbeaucoup moins liés à la faune importante qui nous entoure qu' aux rudes conditions climatiques et à la glace si sournoise.
Le passage à travers une banquise fragile dans une eau inférieure à 0° est le danger le plus courant. Sortir de l'eau seul est très difficile car on ne peut s'appuyer sur les bords de la glace sans la casser un peu plus.
Se perdre dans un « whiteout » parfois à quelques mètres d'un bâtiment est aussi un classique qu'on aime raconter mais rare. La visibilité devient alors nulle par la neige et le vent et cette perte de repères est telle, que certains ont du mal à tenir debout ou ressentent une sensation de mal de mer.
Fréquenter trop près le glacier et les icebergs est à nos risques et périls. Leur caractère figé est bien trompeur car des pans de glace de plusieurs tonnes peuvent s'écrouler sans prévenir.
Sur le continent, les crevasses masquées par des ponts de neige sont des pièges redoutables pour les marcheurs et les engins mécaniques. Un de ces tracteurs à chenille repose d'ailleurs au fond d'une
crevasse à côté de la base depuis quelques années. La crevasse s'est depuis refermée et le glacier poursuit sa lente progression vers la mer... Peut-être le distinguera-t-on un jour à travers la glace translucide d'un iceberg à la dérive…
A la différence de l'Arctique où l'ours polaire est un danger omniprésent sur la banquise L'environnement animal autour de notre base est plutôt paisible. Chez nos biologistes, les accidents de travail originaux que j'ai pas osé déclarer cette année sont un hématome provoqué par un coup de bec d'un oiseau, un coup d'aileron
de manchot et une morsure de phoque.
Il y a pourtant en Antarctique un prédateur dont on ne se méfie pas assez. Il s'agit du léopard des mer. Cet animal qui ressemble à un phoque, est un carnassier mangeur de manchots et moins un amateur de
poissons comme son cousin. Lorsque la banquise disparaît, il rode invisible le long de ses berges pour se saisir de ses proies à peine ont-elle mis le pied sur la glace. En effet, ces nageurs vifs et rapides deviennent soudainement des marcheurs nonchalants très vulnérables. Son menu de choix reste les jeunes manchots encore duveteux, se mettant à l'eau pour la première fois à la fin de l'été austral.
Mais ce prédateur quand il patrouille le long des berges se dit parfois que ces très grands bipèdes aux couleurs si vives pourrait constituer un repas bien copieux. Certains se sont fait déjà peur en s'approchant un peu trop près des bords de la banquise. Il jaillit hors de l'eau en s'échouant lourdement sur la berge de la banquise pour tenter de vous saisir. Une fois sur la glace, le dandinement de ses 350 kg est bien insuffisant pour vous rattraper heureusement.
Il y a quelques années, un hivernant marchant tranquillement sur une banquise peu épaisse s'est fait une grosse frayeur. Un Léopard d'un coup de tête, a transpercé les 15 cm de glace et a saisit sa botte grand froid. Plus de peur que de mal et un retour à la base à cloche pied sans sa chaussure. À la base Dumont d'Urville, nous
restons donc sur nos gardes bien qu'aucun accident sérieux n'ait eu lieu. Dans tout le continent antarctique, on ne lui attribue qu'un décès par noyade d'un plongeur scientifique en 2003.
L'origine de son nom vient certainement de son caractère de prédateur et de son pelage tacheté comme ces félins des régions tropicales.

En Guyane, le félin le plus connu est le jaguar. Il a plutôt peur de l'homme, mais les amérindiens s'en méfient car il s'attaque volontiers à leurs chiens de chasse. Cet animal n'en demeure pas moins pour eux un animal sacré et fait partie de leur mythologie. Il est souvent représenté sous forme symbolique dans leur art et
leurs peintures corporelles de cérémonie qu'on voit hélas de moins en moins.
L'autre menace de cet animal, dont les amérindiens ont moins conscience est son implication dans une maladie qui s'appelle la « Toxoplasmose Amazonienne ». Vous connaissez sans doute la toxoplasmose que l'on rencontre en Europe. Celle maladie transmise par le chat est seulement dangereuse chez la femme enceinte et les personnes dont le système immunitaire est affaibli. Dans la forme amazonienne, il s'agit d'une souche très agressive donnant souvent des formes graves ou prolongées quelle que soit la personne. On soupçonne le jaguar d'être le félin, à l'instar du chat, qui dissémine ce parasite microscopique dans la nature et que l'on
attrape en mangeant du gibier sauvage. Ce n'est pas exceptionnel puisque j'avais eu l'occasion d'en prendre en charge une demi-douzaine au centre de santé de Maripasoula en 3 ans.

Pour finir ce « post » je dirais que les premiers naturalistes polaires devaient être plus nourri de récits d'aventures africaines qu'américaines car les jaguars sont un des rares félins à aimer l'eau. Ils se baignent régulièrement et pêche même à l'occasion. Je trouve donc que le « Jaguar des mers » aurait été plus approprié et mon parallèle avec la Guyane dans ce blog, encore plus pertinent !

Photo du jaguar : Capture d'écran d'un extrait du reportage « passion sauvage en Guyane » de Nicolas Jouvin
Photo du léopard des mers : Merci Guillaume!

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