dimanche 29 janvier 2012
Michel Rocard en Antarctique
Ce n'est pas un secret, Michel Rocard, l'ancien Premier ministre de la France, actuel « Ambassadeur de France pour les négociations internationales sur des Pôles » effectue une visite en Antarctique.
C'est impressionnant de côtoyer cet homme d'Etat qui garde un esprit alerte et une santé étonnante pour un homme de plus de 80 ans.
Il est arrivé avec l'Astrolabe en débarquant de manière originale. Le bateau ne pouvant atteindre le quai par la banquise toujours présente et l'hélicoptère ne pouvant se poser sur la plate-forme à cause des containers, il est d'abord descendu sur la banquise où il a pris l'hélicoptère ( photo) …
Il reste quelques jours dans la base de Dumont d'Urville avant de rejoindre la station franco-italienne de Concordia. Un avion lui fera traverser l'Antarctique via la Base Russe de Vodstok pour rejoindre
la péninsule Antarctique et rejoindre l'Amérique du Sud.
On ne présente plus Michel Rocard. Enfin si, peut-être aux plus jeunes. Nommé Premier Ministre au début du deuxième septennat de Mitterrand, il permit d'aboutir aux accords dit « de Matignon » qui mirent fin aux sanglants affrontements de Nouvelle-Calédonie. Le dernier film de Matthieu Kassovitz retrace un des événements dramatiques, la prise d'otage de gendarmes par des Kanaks dans la grotte d'Ouvéa. Il fut aussi l'artisan du RMI. Ce Revenu Minimum d'Insertion qu'on ne présente plus malheureusement... Surtout aux
plus jeunes.
Ce RMI me rappelle une anecdote douce-amère vécue en Guyane. Elle m'a été racontée par le médecin qui avait créé les longues Missions fluviales médicales (4 à 6 semaines), fin des années 90, sur tout le fleuve Maroni, frontalier avec le Surinam, comme j'ai pu en vivre, mais de quelques jours seulement, lors de mes séjours à Maripasoula récemment.
Au cours de ces missions de soins et de vaccination, ce médecin qui venaient pourtant régulièrement dans ces petits villages de Bushinengé* et d'Amérindiens fut accueilli bien plus chaleureusement que d'habitude. Certes il apportait (et apporte toujours) beaucoup d'attention et de soins à ces populations mais l'ambiance était
bizarre. Les habitants des 2 rives se pressaient en grand nombre à ses consultations. Jusqu'à près de 400 patients par jour pour l'ensemble de son équipe médicale ! Après quelques villages, l'interrogation cédant la place à la curiosité, il finit par demander des explications.
Le R.M.I étendait son réseau d'action sociale. Les bénéficiaires parmi les habitants de ces villages venaient de toucher leurs pécules. Le bruit avait vite couru le long du fleuve que cette allocation providentielle le « é-ré-mi », c'était forcément le bon Docteur « Rémy P.» , qui en était à l'origine…Ainsi vit-il affluer l'ensemble des riverains pour espérer en bénéficier!
Les « merci Rémy, merci Rémy* » à l'arrivée de sa pirogue dans les villages suivants prirent alors un goût un peu amer.
* Bushinenge ou noirs marrons ( voir le post « ouvrez le ban ! »)
** Rémy que je remercie pour cette anectode !
jeudi 12 janvier 2012
La Névrose Traumatique Capillaire
Les coiffeurs ne sont pas du voyage donc il faut trouver la personne la plus douée de la base. Pour ma part, après avoir observé quelques coupes, et beaucoup de tergiversations, j'ai choisi Mireille. Plus habituée à couper des brins d'ADN de manchot pour ses recherches, je lui suis reconnaissante de m'avoir fait une coupe tout à fait honorable (ce n'est pas la photo !).
J'ai toujours beaucoup d'appréhension quand un instrument tranchant s'approche de mes cheveux. J'ai subi dans le passé quelques drames.
On pourrait dire que je suis atteint de « névrose traumatique capillaire », une variété d'une réelle pathologique psychiatrique la « Névrose Traumatique* ».
Le premier traumatisme date de l'enfance alors que j'habitais aux Antilles. Un professeur de 6ème m'a dit devant toute la classe que mon coiffeur martiniquais devait être raciste. Je n'avais pas osé dire que c'était ma mère qui m'avait coupé les cheveux.
Une autre fois dans un petit village de Provence, j'avais fait une halte dans un charmant salon qui datait des années 30 : la devanture, le mobilier, et il faut bien le dire le coiffeur lui-même. Il était manifestement parkinsonien**, mais il maniait encore habilement ses ciseaux. L'attaque de panique est arrivée quand il a sorti son coupe-choux alors que je venais juste de remarquer les multiples pansements sur son visage, séquelles d'un rasage laborieux.
Mon dernier traumatisme date de la Guyane dans le petit village de Maripasoula. « Le salon » était chez un particulier. Plus habitué aux cheveux crépus, je le sentais un peu décontenancé, surtout au moment où je tentais avec mes 3 mots d'Aluku (la langue locale) d'exprimer mes dernières volontés. Je me suis enfui en état de choc au bout de 5 minutes en constatant que je n'avais pas, mais pas du tout, trouvé les mots justes pour le « légèrement dégradé sur le coté » et le « désépaissir dessus ».
Le résultat comme vous pouvez le constater sur la photo est proche de l'aspect des tous jeunes manchots Adélie qui perdent en dernier leur duvet sur la tête. Ça leur fait des coupes assez rigolotes. À l'époque, je n'avais pas cette référence pour relativiser. J'avais plutôt honte et j'ai porté une casquette, même pendant mes consultations, durant quinze jours !
Pendant l'hivernage, j'ai tenté de guérir de ces traumatismes en laissant aller ma créativité : Barbe courte, puis très longue, bouc, moustache (si, si ! mais pas longtemps…) boule à zéro et une autre coupe innommable et indescriptible dont je vous épargnerais les photos. C'est l'un des rares endroit où l'on peut se permettre ces
fantaisies sans craindre de se faire virer !
**La maladie de Parkinson est une maladie comportant des tremblements de repos et une lenteur dans les mouvements et une hypertonie.
*La "Névrose traumatique" est, elle, provoquée par de réels traumatismes psychologiques et source d'une véritable souffrance.
dimanche 8 janvier 2012
Les couleurs de l'Antarctique

On pense souvent que l’Antarctique est monochrome. Tout blanc. Difficile en effet de ne pas reconnaître que c’est la couleur dominante… Avant de partir, j’avais acheté pour mes loisirs, dit "créatifs", un coffret « la peinture à l’huile pour débutant » .A travers l’emballage je ne distinguais qu’un seul tube de blanc et j’ai aussitôt complété mon achat par trois gros tubes supplémentaires.
Pourtant toute la palette du peintre se retrouve en Terre Adélie. Les jeux du ciel sont très variables et on a le loisir d’admirer des teintes comme le rose, le violet, l’orange,le jaune et le gris bien sur. Cette dernière couleur a la particularité de fait ressortir les plus belles couleurs de la glace comme le bleu des icebergs et le vert de la banquise .
De manière plus inattendue, on retrouve aussi du vert à la manchotière changeant de couleur pendant l’année. Vert prairie par en début d’hiver par les déjections très compactes des manchots qui se serrent pour se tenir chaud. Blanc quand il vient de neiger. Et en moment, gris, quand les gros poussins des empereurs perdent leur duvet.
La couleur traditionnelle de l’IPEV ( Institut Paul-Emile Victor anciennement Institut Polaire Français) pour des raisons que je ne connais mal, est l’orange. C’est la couleur de l’ancien drapeau des Expéditions Polaires Française ainsi que de l’actuel drapeau international officieux de l’Antarctique. Les bâtiments de la base et certains vêtements de travail comme la fameuse « VTN » sont aussi de cette couleur. Enfin c’est aussi la petite touche de couleur "chaude" qu’on retrouve sur nos compagnons d’hivernage, les empereurs.
PS: merci à Françoise pour la photo d'aurore
dimanche 1 janvier 2012
Bonne année 2012:moucheron, avion et petards

Un petit post pour vous souhaiter une Bonne année 2012 et vous conter mon réveillon bien différent de ceux que j'ai passé à Maripasoula.
Le soir du passage de la nouvelle année dans ce petit village de 7000 habitants ne Guyane, il règne comme une ambiance de guerre civile dans un village de brousse africaine. Point d'échauffourée entre les multiples ethnies mais dès le coucher du soleil à 18h, une pétarade invraisemblable, des éclairs et des explosions envahit la nuit moite en atteignant son paroxysme à minuit. Acheté au Surinam frontalier et absolument interdit de vente en France, cet arsenal de fusée, de pétards en mitraillette ou seul mais gros comme des mortiers, nous font sursauter et
Maripasoula |
Un ISI: un Insecte en Situation Irrégulière |
Effectivement, je mesure la chance que j'ai que j'ai d'être dans un lieu qui permette de m'émouvoir de la simple vue d'un moucheron ou d'un avion dans le ciel ! Et ce sans craindre qu'un pétard ou un coup de feu ne vienne me faire sursauter.
vendredi 30 décembre 2011
Du yoga en antarctique
jeudi 22 décembre 2011
Croire au Père Noël en Terre Adélie
la Terre Adélie.
Et oui, croire au Père Noël en Terre Adélie c'était croire que
l'Astrolabe, notre bateau ravitailleur , arriverait avant le 25
décembre à la base de Dumont d'Urville en dépit des conditions de
glace très difficile cette année au large comme autour de la base.
Même les vents forts des jours derniers, n'ont pas réussi à «
l'éparpiller façon puzzle » comme dirait le regretté Michel Audiard.
Le pari est presque gagné car ce soir, on aperçoit ce soir
l'Astrolabe à 8 km, pas très loin du Rocher du Débarquement où Dumont
d'Urville posa la première fois le pied en Antarctique au 19ième
siècle. Il est à la limite de la zone d'eau libre bordée par une
banquise très épaisse.
Il faut comprendre que l'Astrolabe n'est pas un brise-glace et il ne
peut casser une banquise de plus de 50 cm d'épaisseur. Il n'a plus
comme solution que de se faire traîner sur la glace par une grande
armée d'empereur.
Rassurez vous l'hélicoptère ne va cesser de voler pendant quatre
jours pour débarquer les 30 personnes supplémentaires dont nos
remplaçants et l'important chargement.
Demain il y aura un repas de Noël avec près de 100 personnes.Un barbu
(ouf je ne le suis plus! ) sera réquisitionné pour s'habiller en
rouge et distribuer des cadeaux, qui n'ont pas été amenés par
l'Astrolabe, mais qui auront été confectionnés avec les moyens du bord.
lundi 19 décembre 2011
Des avions tout-terrain
La raison est qu’il est très rustique et polyvalent. C’est un avion à décollage court qu’on équipe aussi bien de roues, que de patins, ou même de flotteurs. En 5 minutes, vous transformez aussi cet avion de 18 places, en un avion de fret en repliant les sièges le long des parois. Enfin, il y a des boulons et rivets tous les centimètres. Bref, c’est du solide !
Il s’est récemment posé sur la banquise à coté de l’Astrolabe, notre bateau ravitailleur bloqué dans les glaces depuis 1 mois, pour apporter des vivres et ramener les personnels tant attendus sur la base. C’était une première. La piste avait été balisée avec des sacs-poubelles orange et l’avion s’est posé cahin-caha après plusieurs survols, sur une banquise très accidentée. Aussitôt en sortant de la carlingue les pilotes ont rassuré les futurs passagers: « don’t worry, we are professionnal »* .
En Antarctique, il faut bien comprendre que les avions ne sont présents qu’en été, car les conditions climatiques rudes, et la nuit polaire ne permet aucun vol de mars à septembre. Devinez d’où viennent ces avions qui volent autour en Antarctique ? Très étonnamment, de l’Arctique !
Étant donné que dans le Nord canadien les avions ne peuvent pas voler en hiver pour les mêmes raisons et que les saisons sont inversées entre les deux pôles, une société rentabilise intelligemment ses pilotes et ses Twin-Otter en les transférant du Nord au Sud au cours d’un voyage peu banal.
En plusieurs étapes, une petite escadrille de 3 Twins traverse le continent américain dans toute sa longueur en passant par les Antilles, puis en longeant la cordillère des Andes jusqu’à une dernière escale au Chili à Punta Arenas. Puis, c’est la traversée dangereuse entre le Cap Horn et une base de la péninsule Antarctique où l'on remplace les roues par des patins. Finalement, ils traversent ensuite notre 6ième continent en faisant une halte à la station du pôle Sud, pour rejoindre les stations proche de la Mer de Ross qu’ils vont desservir pendant 4 mois : Mac Murdo, Terre Nova, Dumont d’Urville et Concordia.
Entre ces deux dernières bases, il existe une des stations-service les plus paumées de la planète. Une fois posé au lieu-dit « D85 », le pilote n’a plus qu’à glisser sa carte Bleue dans le distributeur, taper son code et attendre la voix métallique qui annonce « vous pouvez vous servir vous en Kérosène sans plomb 95 à la pompe numéro un »… Je plaisante évidemment. Il ne s’agit que de quelques fûts et d'un tuyau dans un simple conteneur au milieu du désert de glace. Pas même un cahier pour écrire difficilement avec ses moufles « Tango Alpha 61 a pris 300 litres de kéro le 12 décembre ».
En Guyane, le Twin-Otter assure la liaison quotidienne entre Cayenne et Maripasoula. On le retrouve également sur certaines lignes intérieures du Surinam, le pays frontalier. Ainsi, à une heure de pirogue de Maripasoula, sur la petite piste en herbe et cahoteuse de Lawa-Tabiki se bousculent tous types d’avions à décollage court en partance et en provenance de la ville de Paramaribo. Cette destination est très prisée par les noirs marrons et même les amérindiens car ils ont coutume d’aller faire des achats dans la capitale du Surinam bien mieux achalandée et bien meilleur marché que Cayenne, la ville endormie.
La sécurité est très limite : pas de contrôle aérien, pas de tour de contrôle, pas de copilote, et la navigation s’effectue à vue à travers les averses tropicales. Pendant mon séjour, deux crashs aériens avaient eu lieu avec des Antonov An-14. Sept personnes d’une même famille du village Antecume Pata avaient disparu, marquant profondément la communauté amérindienne.
Les vols sont pittoresques. Je me rappelle avoir entendu des poules glousser quelque part dans l’avion avant le décollage. En vol, le bruit assourdissant du moteur couvrait largement leurs bruits et rendait même les conversations difficiles. De toute façon, mon voisin de gauche était un petit réfrigérateur.
L’embarquement à Paramaribo était aussi très cocasse. Après avoir acheté notre billet forfaitaire de 100 kilos, nous devions monter sur le plateau d’une grande balance avec tous nos bagages ou nos sacs de course. Un homme avec la complicité de la compagnie rachetait alors les kilogrammes que vous n’aviez pas « utilisés » pour les revendre aux enchères dans une ambiance bien moins policée qu’une salle de vente Parisienne. Pour tout vous dire, c’était une véritable foire d’empoigne !
*« Ne vous inquiétez pas, nous sommes des professionnels »
Merci à Jean-Benoît pour la photo du Twin Otter se posant à côté de l’Astrolabe et à Sylvain pour la photo de « D85 » (Kilomètre 85 sur la piste du Raid motorisé vers Concordia).